En 2020, au congrès de Madrid, j’avais conclu mon intervention en me demandant si l’arrêt Cofemel (arrêt du 12 septembre 2019 (Cofemel – Sociedade de Vestuario SA contre G-Star Raw CV, affaire C-683/17) aurait pu avoir un impact sur la jurisprudence italienne afin que soit reconnu plus facilement la protection du droit d’auteur pour les créations de mode.
La Cour avait effectivement (dans une affaire de contrefaçon de certains modèles de vêtements, dans le cadre d’un recours soulevé par la Cour Suprême de justice portugaise) reconnu la possibilité de cumuler la protection par le droit industriel et la protection par le droit d’auteur en affirmant qu’afin que soit reconnu les droits d’auteur, il suffit que le modèle soit original, c’est à dire qu’il exprime la personnalité de l’auteur (le fait que les œuvres puissent avoir une valeur esthétique significative est un élément utile pour l’appréciation de la condition mais pas suffisant. Ainsi, les créations définies uniquement par le résultat technique, ne peuvent pas être protégées car la réalisation de l’idée a été limitée) et que les critères de créativité et de valeur artistique prévus par le droit italien ne soient pas nécessaires.
Dans le système juridique italien, en effet, l’article 2 de la Loi sur le Droit d’auteur, n° 633 du 22 avril 1941 (ensuite dénommée « l.d.a. »), contient l’énumération des œuvres de l’esprit protégées par la Loi et ne prévoit pas les créations de mode.
Avec l’ajout du n°10 à l’article 2 de la lda, concernant les « œuvres de design industriel qui possèdent un caractère créatif et une valeur artistique » les créations de mode (telles que les vêtements et les accessoires) ont été inclus dans cette catégorie et cela a conduit à la possibilité de cumuler la protection offerte par le droit industriel, propre aux dessins et modèles, avec celle offerte par le droit d’auteur renforçant, donc, la protection de ces créations.
Par ailleurs, cette forme de protection est préférable à celle offerte par le droit industriel, d’une part parce qu’elle ne nécessite aucune formalité constitutive et d’autre part, parce que sa durée d’application est beaucoup plus longue, jusqu’à 70 ans après le décès de son auteur.
La condition de la « valeur artistique » encore requise en Italie, représente la raison pour laquelle la protection du droit d’auteur n’a jamais été reconnu pour les créations de mode en raison de la difficulté de la posséder (c’est à dire des reconnaissances officielles, des publications ou des présentations dans des expositions ou musées).
Il suffit de penser à la récente décision du Tribunal de Milan (arrêt du 13.12.2021, n° 10280/2021) dans une affaire de contrefaçon d’un modèle de sac à main bien connu de la maison de couture française Longchamp (modèle Le Pliage), qui avait demandé non seulement que la contrefaçon soit constatée sur la base de la propriété des marques européennes, mais aussi en vertu de l’article 2, n° 10, de la loi sur le droit d’auteur.
Le tribunal de Milan a reconnu la contrefaçon, mais a estimé que le sac Le Pliage ne pouvait toutefois pas bénéficier de la protection du droit d’auteur parce que le sac n’avait pas de valeur artistique (par exemple : la reconnaissance dans les milieux culturels et institutionnels, la présentation dans des expositions ou des musées ; la publication dans des revues spécialisées ; l’attribution de prix ; la création par un artiste renommé).
Je suis quasiment sûre que le seul arrêt italien positif sur le sujet est celui du Sezione Specializzata in materia d’Impresa du Tribunal de Milan du 12 juillet 2016 – ayant pour objet les bottes Moon Boots de Tecnica Group s.p.a. – dans lequel les juges ont reconnu aux après-ski Moon Boots cette protection.
Arrêt qui a été confirmé par la décision rendue par le Tribunal de Milan 25/01/2021 n°493 concernant l’existence de la valeur artistique du produit.
Je voudrais rappeler comment, à l’inverse, la protection du droit d’auteur a été récemment reconnue sur le design d’une voiture : il s’agissait de la célèbre Ferrari Scaglietti (Tribunal de Bologne 20/06/2019) où la « valeur artistique » du design a été reconnue sans difficulté par les juges, indépendamment de sa fonction primaire (conformément aux principes énoncés par la Cour de justice de l’Union européenne – CJUE – dans l’affaire Brompton).
Il est donc nécessaire, à mon avis, de comprendre en Italie la nécessité de valoriser et protéger les créations de mode, sans tenir compte de leur valeur artistique, au même titre que les autres œuvres de l’esprit, conformément au droit européen, parce que cela aurait des conséquences économiques considérables en Italie. Non seulement parce qu’elle renforcerait la répression des nombreux phénomènes de contrefaçon qui existent dans ce domaine mais aussi parce que ces créations pourraient bénéficier d’une protection plus longue.
Avv. Lavinia Savini
Partner Studio FPBLegal
Représentant de l’UIA (Union Internationale des Avocats) au WIPO